TARMED vs TARDOC : Le guide complet pour les professionnels de la santé en Suisse

Une réforme historique de la facturation ambulatoire

Le système suisse de facturation ambulatoire connaîtra en 2026 une mutation majeure : après plus de 20 ans de bons et loyaux services, le tarif TARMED sera remplacé par TARDOC. Cette transition marque une étape cruciale dans la modernisation du système de santé suisse.

Conçu pour répondre aux critiques adressées à TARMED (complexité, rigidité, inadéquation avec les pratiques modernes), TARDOC ambitionne de refléter fidèlement la réalité de l’activité médicale ambulatoire actuelle tout en facilitant la gestion et la transparence des prestations.

Pourquoi TARDOC ?

1.1. Les limites de TARMED

  • Obsolescence : Le catalogue TARMED est resté figé depuis sa mise en place en 2004. De nombreuses prestations médicales actuelles (téléconsultations, suivi de maladies chroniques, etc.) ne sont pas correctement tarifées car elles n'existaient pas à l’époque ou n’avaient pas l’importance qu’elles ont aujourd’hui.
  • Fragmentation excessive : TARMED comporte plus de 4 600 codes distincts. Cela rend la facturation fastidieuse, chronophage et propice aux erreurs. Chaque acte est fragmenté en sous-actes à combiner, parfois incompatibles, ce qui entraîne souvent des rejets de factures.
  • Rigidité : Le système ne permet pas une adaptation flexible en fonction des évolutions médicales ou technologiques. Par exemple, les soins à distance ou l’accompagnement pluridisciplinaire sont mal pris en compte.
  • Inégalité de valorisation : Certaines disciplines, comme la médecine de premier recours ou la psychiatrie, sont structurellement sous-rémunérées, car les prestations cognitives (analyse, écoute, coordination) sont moins valorisées que les actes techniques.

1.2. Les objectifs de TARDOC

  • Moderniser la nomenclature : TARDOC réduit le nombre de positions tarifaires à environ 2 630, mieux structurées et représentatives des pratiques actuelles.
  • Améliorer la lisibilité : Grâce à une hiérarchisation claire des actes par domaine médical, TARDOC permet aux professionnels comme aux assureurs de mieux comprendre la logique de la facturation.
  • Valoriser le temps médical effectif : Le système prend en compte chaque minute consacrée au patient. Les consultations longues ou complexes sont rémunérées à leur juste valeur.
  • Intégrer les nouvelles pratiques : La télémédecine, les suivis chroniques, la documentation médicale sont désormais reconnus comme des actes à part entière.
  • Mise à jour continue : Contrairement à TARMED, figé depuis 2004, TARDOC pourra être actualisé régulièrement afin de s’adapter aux évolutions du système de santé.

Comment fonctionne TARDOC ?

TARDOC introduit une facturation plus transparente et plus simple à travers une nomenclature structurée, une logique tarifaire par points, et l’intégration de nouveaux outils comme les forfaits ambulatoires.

2.1. Structure du catalogue TARDOC

Le Catalogue des Prestations TARDOC est divisé en 11 grandes catégories (ou chapitres principaux), couvrant l’ensemble des domaines de la médecine ambulatoire. Voici les 11 catégories :

  1. Médecine interne générale : regroupe les consultations de base, les suivis de patients chroniques, les évaluations générales de santé.
  2. Spécialités médicales : inclut la cardiologie, pneumologie, endocrinologie, néphrologie, etc.
  3. Médecine de l’enfant et de l’adolescent (pédiatrie) : traitements, consultations et bilans pédiatriques.
  4. Gynécologie et obstétrique : examens gynécologiques, suivi de grossesse, échographies, etc.
  5. Psychiatrie et psychothérapie : consultations psychiatriques, thérapies individuelles ou de groupe.
  6. Médecine de la douleur et soins palliatifs : accompagnement des patients atteints de douleurs chroniques ou en fin de vie.
  7. Médecine physique, réadaptation et rhumatologie : actes liés à la rééducation fonctionnelle, kinésithérapie, orthopédie.
  8. Chirurgie ambulatoire : actes chirurgicaux mineurs, soins post-opératoires, sutures, etc.
  9. Dermatologie, vénérologie et allergologie : actes dermatologiques, diagnostics d’allergies, cryothérapie, etc.
  10. Ophtalmologie, oto-rhino-laryngologie, stomatologie et médecine dentaire : examens visuels, ORL, soins dentaires ambulatoires.
  11. Médecine préventive et santé publique : vaccinations, conseils en hygiène de vie, bilans préventifs.

Chacun de ces chapitres est subdivisé en chapitres thématiques (74), eux-mêmes répartis en 323 sous-chapitres. Chaque sous-chapitre regroupe un ensemble cohérent d’actes médicaux liés à une même situation clinique.

Chaque prestation est identifiée par un code alphanumérique unique (ex. AA.00.0010), ce qui facilite la lecture et l’intégration informatique. Ces codes contiennent également une logique : par exemple, AA.00.0010 correspond à une consultation médicale de base.

2.2. Codification et logique tarifaire

À chaque acte correspond :

  • Un temps de référence : estimation de la durée moyenne de l’acte médical.
  • Un niveau de complexité : certaines prestations nécessitent plus d’expertise ou d’implication (diagnostic différentiel, prise en charge multidisciplinaire).
  • Un nombre de points TARDOC : chaque point a une valeur monétaire (environ 0.89 CHF selon le canton).
  • Des composantes complémentaires : infrastructure, intervention d’assistants, utilisation d’équipements spéciaux.

Ainsi, un acte simple (ex : prise de tension) vaut peu de points, alors qu’un acte complexe ou long (ex : entretien psychiatrique, plan de soins pluridisciplinaire) en vaudra plus.

2.3. Méthode de calcul tarifaire

Formule générale : Tarif = Nombre de points TARDOC × Valeur du point (CHF) × Facteur de neutralité externe

  • La valeur du point est fixée par canton ou région, à travers une négociation entre les partenaires tarifaires.
  • Le facteur de neutralité externe garantit que la réforme ne provoque pas une explosion des coûts globaux du système.

Grâce à cette méthode, les prestations sont rémunérées de manière plus juste et cohérente avec le temps réellement passé.

2.4. Nouveautés importantes

  • Suppression des blocs de prestations : Sous TARMED, un acte était souvent divisé en plusieurs blocs (ex : acte principal, assistance, matériel, documentation), ce qui entraînait de la complexité. Avec TARDOC, un code suffit dans la majorité des cas.
  • Facturation linéaire et cumulative : Le professionnel commence avec un code de base (ex : 5 premières minutes de consultation), puis ajoute des unités supplémentaires par minute (ex : 1,5 point/minute dès la 6e minute).
  • Télémédecine reconnue : TARDOC introduit des codes spécifiques pour :
  • Les consultations vidéo ou téléphoniques (synchrones)
  • Les échanges différés par messagerie sécurisée (asynchrones)
  • Séparation claire des actes :
  • L’acte médical (ex : pose d’un diagnostic)
  • L’interprétation (ex : lecture d’un ECG)
  • La documentation (rédaction du rapport)

Chaque élément peut être facturé de manière distincte, évitant les confusions et omissions.

  • Forfaits ambulatoires (TMA) : Pour les actes standardisés réalisés en milieu hospitalier (ex : gastroscopie), un tarif unique regroupe l’ensemble des coûts liés à la procédure.

Dates clés de la transition TARMED vers TARDOC

Comment demander des droits acquis (2025)

Avec l’introduction de TARDOC, certaines prestations médicales sont désormais réservées à des professionnels disposant d’une dignité médicale spécifique, c’est-à-dire une reconnaissance officielle liée à une spécialisation. Cependant, de nombreux médecins généralistes ou spécialistes hors domaine ont, sous TARMED, facturé ces prestations de façon régulière et conforme.

Les droits acquis permettent donc à ces médecins de continuer à facturer temporairement ces prestations sous TARDOC, même s’ils ne remplissent pas officiellement la condition de dignité exigée. Cette exception vise à éviter une rupture dans l’accès aux soins ou une perte d’activité pour des médecins expérimentés.

Exemple concret : un généraliste qui pratique régulièrement des actes de dermatologie (ex. cryothérapie, excision de nævus) pourra continuer à les facturer sous TARDOC, même sans titre FMH en dermatologie, s’il obtient un droit acquis.

Voici la procédure à suivre :

  1. Vérifier votre activité passée : vous devez prouver avoir facturé la prestation concernée au moins 5 fois par an, en moyenne, entre 2022 et 2024.
  2. Se rendre sur la plateforme officielle FMH – Tarifeambulant : un formulaire en ligne sera mis à disposition pour soumettre votre demande.
  3. Remplir un formulaire par position : chaque prestation TARDOC demandée doit faire l’objet d’un enregistrement séparé.
  4. Frais administratifs : CHF 50.– par position demandée. Ces frais couvrent la gestion et le traitement de votre requête.
  5. Délais : les demandes sont ouvertes du 1er juillet au 30 septembre 2025. Passé ce délai, il ne sera plus possible de demander de droits acquis pour 2026.
  6. Validité : les droits acquis sont valables 3 ans (2026–2028) et peuvent être prolongés si nécessaire.

Voici les principales échéances à retenir pour les professionnels de santé :

  • Juin 2024 : Approbation officielle de TARDOC par le Conseil fédéral.
  • Juillet – septembre 2025 : Période de demande des droits acquis pour les médecins sans la dignité exigée pour certaines prestations TARDOC.
  • Deuxième semestre 2025 : Formation des professionnels, mise à jour des logiciels, et phase de test dans certains cabinets pilotes.
  • 1er janvier 2026 : Entrée en vigueur officielle de TARDOC. Le système TARMED devient obsolète.
  • 2026 – 2028 : Période de validité des droits acquis accordés aux médecins.
  • À partir de 2027 : Première série prévue d'ajustements tarifaires réguliers dans TARDOC pour suivre l'évolution des pratiques médicales.

Cas pratique 1 : Cabinet médical privé

Contexte :

Cabinet de médecine générale à Lausanne. Le médecin reçoit un patient pour une consultation classique de 20 minutes.

Avec TARMED (avant 2026) :

  • Le médecin sélectionne une position tarifaire standard pour consultation.
  • Il doit ensuite ajouter manuellement des codes pour : temps assistant, infrastructure, éventuelle documentation.
  • Ces éléments sont groupés en "blocs de prestations" parfois incompatibles ou non cumulables.
  • Les consultations longues (>20 min) ne sont pas toujours bien rémunérées.

Explication : La facturation est complexe, nécessite une connaissance poussée des blocs, et conduit souvent à des factures rejetées ou incomplètes. Le temps passé n’est pas toujours valorisé de façon adéquate.

Avec TARDOC (après 2026) :

  • Le médecin sélectionne le code de base (AA.00.0010 = 5 premières minutes).
  • Il ajoute automatiquement les unités complémentaires (15 min supplémentaires × 1,5 point/minute).
  • La facturation est cumulative, linéaire, claire.

Explication : Le système valorise exactement le temps passé avec le patient. Plus besoin d'ajouter manuellement des blocs accessoires. La complexité du cas peut aussi être prise en compte avec des codes supplémentaires (ex. coordination interprofessionnelle).

Bénéfices pour le cabinet :

  • Moins d’erreurs de codage
  • Moins de litiges avec les caisses
  • Valorisation précise des consultations longues ou complexes
  • Intégration de la télémédecine possible

Cas pratique 2 : Service ambulatoire hospitalier

Contexte :

Hôpital universitaire. Le service de gastro-entérologie effectue une gastroscopie ambulatoire.

Avec TARMED :

  • L’équipe de codage combine plusieurs blocs : acte principal, matériel, interprétation, surveillance, documentation.
  • Il existe un risque d’incompatibilité entre certains blocs.
  • Le temps de préparation, d’interprétation ou d’observation n’est pas toujours bien valorisé.

Explication : La charge administrative est élevée. L’acte peut être codé différemment selon les praticiens. Les assureurs rejettent parfois les combinaisons non autorisées.

Avec TARDOC :

  • Le logiciel hospitalier identifie automatiquement si l’acte relève d’un forfait TMA.
  • Si oui, une seule ligne tarifaire est générée.
  • Sinon, les codes TARDOC sont appliqués un par un, mais de façon plus lisible.

Explication : Les forfaits simplifient la gestion. Ils comprennent dans un seul code la totalité du processus : accueil, acte, documentation, récupération.

Bénéfices pour l’hôpital :

  • Uniformité de codage
  • Réduction des litiges
  • Prévisibilité budgétaire
  • Meilleure coordination avec les systèmes d’assurance

La transition de TARMED à TARDOC représente bien plus qu'un simple changement administratif. C’est une réforme structurelle du système de facturation ambulatoire en Suisse. Elle modernise la tarification, clarifie la nomenclature, valorise mieux le travail médical et introduit une logique plus simple, plus juste, et surtout plus proche des réalités de terrain.

Pour les professionnels de santé, cette transition est une opportunité d’optimiser leurs pratiques, d’adopter des outils plus adaptés, et de mieux planifier leurs ressources. Il est donc essentiel de s’informer, de se former, et de s’équiper dès maintenant.

Rappel des actions prioritaires :

  • Cartographier les prestations utilisées sous TARMED
  • Identifier les codes équivalents TARDOC
  • Demander les droits acquis entre juillet et septembre 2025
  • Mettre à jour les logiciels et former les équipes
  • Suivre les mises à jour officielles et les outils mis à disposition

Medicatech reste à vos côtés pour vous accompagner dans cette transition cruciale vers un système plus clair et plus performant.

Sources et ressources utiles

  • FMH – Tarife Ambulant TARDOC
  • OneDoc – TARDOC 2026 pour les professionnels
  • Medes – Guide TARDOC Suisse Romande
  • CabinetMedical.ch – Comprendre TARDOC
  • PulseMedica – Préparer son cabinet à TARDOC
  • Eonum – Tarifs ambulatoires en Suisse
  • Swissinfo – Accord sur TARDOC
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